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jeudi 23 avril 2015

AGOUDAL - IMILCHIL - TISLI - ISLI



Après avoir franchi les Gorges du Todra, nous arrivons sur un haut-plateau au coeur de l'Atlas. La nuit nous surprend à l'entrée d'Agoudal perché à 2300 mètres, ce qui vaut à ce bourg isolé le titre de plus haut village du Maroc. Nous sommes accueillis par Nacer à la Pension Afoud. Convivialité, sourire, le Maroc est la terre d'accueil par excellence.


En cette fin Avril, la neige n'a pas fondu partout sur les hauteurs du plateau. Les nuits restent très fraîches et nous avons été bien inspirés d'équiper notre TK-Ravane d'une couette en plumes d'oie. Au pied des escarpements arides, la rivière Melloul offre une zone cultivable qui permet aux habitants d'Agoudal de produire principalement des pommes et des pommes de terre. Ce matin, dès que les premiers rayons de soleil apparaissent au-dessus de la crête montagneuse, nous nous mettons en route à la découverte de ce lieu du bout du monde tandis que les villageois s'en vont pour une longue journée de travaux des champs. On part avec sa pioche pour irriguer les parcelles, et avec sa serpe pour ramasser l'herbe déjà touffue. 



L'origine d'Agoudal remonte probablement au XVIIe siècle. A cette époque, les Aït Hadidou, après des luttes sans fin, obtinrent des puissantes tribus Aït Atta du Djebel Sagho et Aït Moghad de Goulmina, le droit d'installer leur campement sur cette vallée de l'Assif Melloul, après s'être entendus sur les droits de passage des différents troupeaux vers ces zones de transhumance.





































Le voile est une tradition bien ancrée sur ces hauts-plateaux de l'Atlas. Dans cette région reculée et isolée du Maroc, il n'est pas toujours facile de prendre les habitants en photo, contrairement aux zones urbaines et aux campagnes plus riches où l'usage du téléphone portable et de facebook est en passe de se généraliser en faisant reculer le tabou de l'image. On papote le temps d'une pause au coeur du village, et derrière le voile, même si la tradition et le secret sont bien gardés, se dessine toujours l'esquisse d'un sourire.

























La "Station-Service" d'Agoudal















Sur le chemin de l'école...


























Fabuleuse région encore loin des turbulences de nos sociétés "modernes". Avant de quitter Agoudal, écoutons les paroles d'un paysan du Haut-Atlas, M'Hamed-Ou-Bassou :
""Le souk de Zaouia Ahansal, c'est au moins à 4 heures de mulet de chez moi. Je suis parti ce matin en pleine nuit. C'est toujours comme ça, en juillet, il y a du monde, il faut arriver le premier. Un boucher de Beni Mellal m'a acheté mes 6 agneaux... 3000 dirhams ! J'ai tout dépensé. J'ai pris de la farine. C'est pour le pain. J'ai pris de l'orge. On en fait un peu mais pas assez. Il en faut pour nous, mais surtout pour le mulet. Lui, il marche à l'orge, c'est comme l'essence pour la voiture. J'ai ramené aussi du sucre, du thé, des gâteaux, de la viande de mouton, de la lessive. Et puis ça, c'est une "bouta", oui une bouteille de gaz, et là, un harnais neuf avec le mors pour le mulet. J'ai fait recharger la batterie pour la télé. Et vous savez, mon fils Hammou, qui s'occupe des bêtes, va bientôt se marier. Alors j'ai acheté un tapis. 
Demain, on monte tous à l'Almou, c'est la fête au pâturage. Le soir, on enfume les moutons et les chèvres. Tout le monde fait ça. C'est bon pour leur santé, pour la baraka. Il y aura du monde, 20 tentes des Aït Atta du Sahara, et plus de 30 tentes des Aït Atta de chez nous... Et les troupeaux, 7 ou 8 000 têtes, ça va faire des histoires ! Sûrement que le caïd va monter, il va menacer de prison 2 ou 3 bergers. Bah, c'est toujours comme ça. On a toujours des problèmes avec les gens du sud. Nous, on voudrait cultiver les terres d'en-bas, elles sont riches, mais eux ne sont pas d'accord. Il leur faut 8 jours pour venir à pied, alors ils ne peuvent pas les cultiver. Eux, c'est l'herbe qui les intéresse. Enfin, on se supporte, mais il n'y a pas assez d'herbe pour tout le monde. Moi, fin août, je redescends les troupeaux sur les chaumes à Toujjoudine, au village. C'est là qu'on habite avec toute la famille. On cultive l'orge et on garde les récoltes. C'est mon fils Moha qui s'en occupe. 
Avant, il y avait un grenier collectif. Maintenant, c'est chacun pour soi. En hiver, Hammou descend le troupeau à Adoumbaz. Il va avec sa mère et les filles. C'est tout en bas dans la forêt, près de la rivière. On a un "azib" de construit. Oh, c'est pas grand chose, juste 4 murs et un toit. L'hiver, il y a trop de neige ici pour les troupeaux... Alors juste en-bas, il y a du feuillage pour tout le monde. C'est le paradis des chèvres... Mais attention au forestier. Il faut vite faire disparaître la hachette quand il arrive. Mais les filles courent vite heureusement, surtout Touda.... elle est maligne.
Pour le bois c'est pareil, les femmes y vont deux fois par semaine, trois fois même, en hiver... Eh oui, il faut se chauffer, se laver dans le hammam, faire la lessive, cuire le pain, le tajine... Le gaz - la bouta - c'est juste pour la petite cuisine, 1'eau du thé, et pour l'éclairage. En mars, la neige est fondue sur l'Almou, on remonte d'abord avec les moutons, puis après avec les chèvres... Les chèvres, elles n'aiment pas le froid. Au 15 avril quand on ferme l'Almou, plus question de rester sur place... Il y a un gardien... Et puis tout le monde se surveille. Alors on part à Erdouz en attendant l'ouverture du pâturage.
Bon, j'y vais, il faut que je passe encore chez le forgeron récupérer le soc de l'araire. La semaine prochaine avec Moha - c'est mon aîné - on laboure près de la maison pour semer des navets. Allehenekoum!""  (M'Hamed-Ou-Bassou - Paroles de paysan)





Salam Agoudal, cap vers Imilchil à une quarantaine de kilomètres. Les chemins muletiers d'antan sont devenus pistes entrecoupées aujourd'hui de portions goudronnées très praticables même pour notre célèbre attelage Berlingo/Citroën/TK-Ravane à deux roues motrices. Nous flânons cap au nord en suivant le cours de l'Assif Melloul, la rivière blanche... 









Nous arrivons en début d'après-midi à Imilchil, célèbre pour son Moussem des Fiancés qui se déroule à la fin de l'été. Pas de Moussem aujourd'hui à Imilchil, point d'agitation touristique, et ce qui nous agite dans l'immédiat et dans la belle lumière du printemps, c'est l'odeur irrésistible des brochettes et des keftas. Nous nous arrêtons dans le dernier restaurant à droite en haut de la montée à la sortie d'Imilchil sur la petite route R317 qui mène vers le lac d'Isli tout proche, et plus loin vers El Ksiba, le premier grand bourg en quittant l'Atlas à 115 km vers le nord-ouest.



Le bonheur, c'est simple comme un pain-bladi et un thé à la menthe...




Le nirvana, c'est quand arrive le tajine suivi de brochettes de viande et de keftas...



























Ne ratez pas ce petit restaurant à la sortie d'Imilchil et saluez le Maâlem de notre part, sa tenue blanche immaculée, son sourire discret et sa choukara d'un autre âge.




A quelques encablures d'Imilchil, la R317 qui mène à Naour puis El Ksiba, nous conduit à deux merveilleux petits lacs de montagne, les lacs des fiancés, Isli et Tislit. De vraies météorites ayant été découvertes dans la région, une théorie voudrait que ces 2 lacs aient pris naissance avec l'impact d'une grande météorite. Une étude récente dément le contraire, et les scientifiques s'affrontent encore aujourd'hui. Quoiqu'il en soit, voici la vraie légende d'ISLI et de TISLIT :
""Il était une fois un amour impossible entre un garçon de la tribu des Aït Brahim et une fille de la tribu des Aït Ya'za. Leur amour ne pouvait aboutir parce que les deux tribus étaient en guerre continue, une querelle de terre et d'espace héritée des siècles passés. Ainsi, ni le père du jeune homme ne tolérerait que son fils prenne pour femme une fille "de ces bandits d' Aït Ya'za", ni le père de la jeune fille n'accepterait que sa fille devienne la conjointe "d'un renégat des Aït Brahim". Les deux amants se vouaient un amour pur, d'une profondeur telle qu'ils ne pouvaient vivre séparés. Aussi décidèrent-ils de s'enfuir vers la montagne d'Isslan. Quand ils y arrivèrent, ils s'assirent et se mirent à pleurer à cause du sort qui les avait obligés à quitter leurs parents, frères et amis. Ils pleurèrent des jours entiers. Les larmes qu'ils déversaient constituèrent bientôt deux lacs qui portèrent leurs noms: Isli et Tislit. Ne pouvant plus revenir sur leurs pas, ils préférèrent se noyer chacun dans son lac que de vivre séparés. On dit que chaque nuit, ils sortent des lacs pour se rencontrer. La mort des deux amants est célébrée chaque année par la fête des fiançailles organisée à Imilchil, fête qui rassemble à la fin de l'été tous les candidats au mariage""








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""L'Âme du Monde se nourrit du bonheur des gens. Ou de leur malheur, de l'envie, de la jalousie. Accomplir sa Légende personnelle est la seule et unique obligation des hommes"" (Paulo COELHO - L'Alchimiste). 
Nous voilà donc contraints de continuer à écrire notre Légende sur les routes du plus beau pays du monde, de l'Atlas au Rif, des sables de Merzouga à la terre noire du Gharb.


1 commentaire:

  1. Hello how are you doing today please may ask you a few questions
    Did you have some pictures of Ali Ou daoud near imilchil

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